LES MILLE ET UNE VIES DE BILLY MILLIGAN de Daniel Keyes
Livre qui a inspiré le film Split (voir ci-dessous). Et c’est là tout le problème, on se pourrait se dire que c’est une histoire inventée de toute pièce tellement le scénario est inimaginable. Imaginez juste une seconde, un homme qui a pas moins de 24 personnalités multiples.
24 personnalités différentes donc. Certains parlent une langue étrangère ; leur caractère à chacun diffère. On a des personnalités dominantes d’autres soumises ; de sexe opposé même. Toutes occupent un siège dans un cercle mais seul celui du milieu peut prendre la lumière tour à tour. Certains ignorent jusqu’à même l’existence des autres. Et “mieux” encore, ils ignorent tout de ce qui se passe lorsqu’ils ne sont pas dans la lumière.
Ainsi, Billy Milligan est arrêté un jour pour des viols dont il assure ne pas être le responsable. Il ne l’est pas en tout cas pas Billy Milligan. S’ensuit alors une longue procédure judiciaire où une équipe de psy tente de prouver le cas hors norme de cet homme. Tout au long de ces longues années, Daniel Keyes – chercheur en psychologie – le suit pour tenter de démêler le vrai du faux.
Un portrait saisissant et nécessaire d’un homme dont l’inconscient a développé, construit une méthode de survie pour le moins complexe ; et j’ose le dire, passionnant d’un point vue psychologique. A lire d’urgence !
SPLIT de N. Night Shyamalan.
Split : diviser, fendre, couper en deux. Fissure. Voilà qui donne le ton. En plus, d’une scène d’ouverture impeccable. Deux histoires entrecoupées par un générique stylisé qui n’est pas sans rappeler celui du Parrain. Du moins, les caractères qui s’allongent.
Bizarrement, on a cette impression que visuellement le film s’inscrit dans quelque chose de rétro alors que le récit lui est plutôt contemporain. Dès le début, ce qui frappe c’est l’ambiance anxiogène. Des espaces clos et restreints. La caméra semble écraser l’individu l’accabler même en pleine nature. Le champs de vue se rétrécit ; et parfois même, elle parle pour l’individu.
Ce qui m’a fait penser au procès de Kafka d’Orson Welles. La tension est maintenue tout au long. C’est pesant et ambigu. N’y aurait-il pas une complice ? Ou n’est-ce que des malentendus ? Kelsey par exemple qui se laisse faire déjà rompue avant l’exercice. Et, James McAvoy dont la VF ne rend pas du tout justice. A sa prestation de dingue.
Un face à face voir un trio qui est bluffant par moment. Et, central. C’est fascinant le psyché humain. La résilience, le refoulement et les mécanismes de défense. Mais dommage, tout ce que Shyamalan a réussi à mettre en place avec brio dans la première partie du film se perd dans une dimension fantastique. Enlevant ainsi tout charme voir résonance au niveau de la dimension psychologique entreprise au début.
Pour moi, c’était tout l’intérêt. J’aurai préféré et espéré cent fois un twist final dont il a le secret. A la place, le film ne sait pas quand se taire nous offrant le caméo le moins subtil de l’histoire. Ni le bienvenu !
L’ALIÉNISTE de Caleb Carr.
C’est en découvrant la bande annonce de la série avec en tête d’affiche Daniel Brulh, Dakota Fanning et Luke Evans que j’ai appris l’existence du roman. Sitôt noté sitôt recherché dans le catalogue de la médiathèque de ma commune. Bingo, il l’avait la chance !
Dés le début, c’est une lecture addictive même si certains d’entre vous seront peut-être découragés par le style notamment les nombreuses descriptions de lieux, du contexte social. Ceci dit, un voyage dans le passé s’impose. C’est dépaysant d’une part. D’autre part, c’est très intéressant sur le plan historique voir sociétal.
En effet, imaginez une plongée sans concession dans les bas-fonds du New York des années 1896. Mais surtout, l’émergence de nouvelles disciplines telles que la psychologie, la psychiatrie ou encore des méthodes d’investigation précurseures. D’autant plus lors qu’un éminent docteur et son équipe se heurtent pour la première fois à un tueur en série. Dans une Amérique face à des problématiques telles que l’immigration massive, la pauvreté ainsi que la corruption.
Nos protagonistes se heurteront alors à ceux qui tiennent réellement les rênes de la ville. Le tout à l’aube d’une société en pleine mutation. Obligée de faire face à ce qu’elle n’a pas voulu voir et fait taire. Et, le lecteur avec.
En ce sens, l’aliéniste est un roman brillant même si comme souvent il perd de sa superbe en cours de route. On reste sur notre faim dans l’espoir vain de suivre d’autres aventures criminelles de nos amis. Ce que peut-être la série comblera qui sait. A méditer. Parce que comme on dit, ce qui est rare est précieux.
MINDHUNTER de David Lynch.
Une série bien inégale quand on y pense avec le recul. Des lenteurs, des passages inutiles bref un gros problème de rythme sans parler d’une fin bâclée à mon sens.
Parlons aussi du casting porté par un duo captivant. Éclipsant pour le coup tous les autres sans trop de scrupules. Quoique se réveillant vers le final. Des femmes ne trouvant pas toujours leur place, leur légitimité. D’un côté, la petite amie d’Holden. Libre, insoumise en apparence ; et qui semble, en permanence en compétition avec lui. Dans une sorte de joute verbale où l’un l’autre s’affronte si ce n’est se tester.
Une femme libérée oui sans doute mais comme disait Joe Cocker, c’est pas si facile. Pas plus que pour Wendy. Universitaire presque émérite vivant dans l’ombre de ses amours “interdits”. Mais, la jeune femme veut plus autant dans le domaine professionnel que personnel. Elle a aussi ses propres contradictions. Idéaliste, naïve peut-être bien aussi.
Face à l’ambigu Holden et son acolyte de toujours affublé d’une cigarette. Le yin et le yang ; reste à savoir qui est qui. La jeunesse VS la sagesse. Deux êtres qui se complètent à la perfection même si parfois il y a quelques étincelles. Face aux balbutiements, aux prémices de ce qu’on va appeler le profilage dans une Amérique post Vietnam.
Piégée entre le monde d’y hier et de demain, les détracteurs sont nombreux. Une bureaucratie, un politiquement correct affligeants pour commencer. Une récalcitrance qui on le voit bien semble traverser les siècles. A refuser d’admettre que la violence se doit d’être connue, comprise intellectuellement pour la prévoir si on le peut. Et toujours, ce mot de contexte ou encore de déterministe environnemental.
Comme souvent, on voit que l’enfance y est beaucoup. Où tout se joue. L’éducation, les parents ; leur absence ou leur omniprésence surtout la figure maternelle. Tandis que le père bien souvent déserte le foyer familial. Les signes avant coureur parce qu’il y en a. Ce qui peut remettre en question cette idée que chacun a son propre arbitre. L’un n’empêche pas l’autre cela dit. Car, certains s’en sortent mieux que d’autres. Pas tous passent par la casse crime.
Je me souviens qu’à l’époque d’Esprits Criminels, quelqu’un avait laissé un commentaire en disant que la série était malsaine. Que cela pouvait donner des idées à d’autres. Je comprends que cela puisse déranger mais je trouve ce travail nécessaire. De comprendre comment on en arrive là. Pour prévenir si cela peut être évité. Pas pour accepter ni pardonner tout simplement pour comprendre la nature humaine. D’un point de vue purement psychologique voir sociologique, je trouve le profilage fascinant.
Parce qu’au fond, on voit combien notre vécu la société impacte sur notre façon d’être. De se comporter, d’obéir ou non. Et comment, cette valeur du bien et du mal dérive d’un individu à l’autre. C’est un questionnement, une curiosité intellectuelle tout à fait humaine et légitime de savoir pourquoi. Pourquoi, il y a des tueurs en série. Pourquoi, certains passent à l’acte pourquoi d’autres pas. Pourquoi, nous sommes ainsi. Pourquoi, l’autre pas. Inévitable même !
( * Citation : Carl Gustav Jung )